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Non candidat aux prix Goncourt, Femina, Interallié,Medicis
10 janvier 2007

suite du livre

-En somme, l' autorisation implicite de continuer mes conneries !



 

Dobreden !



Voilà  moins d'une heure que nous roulions en direction de l'Est et j'en avais déjà ma claque de la nationale.Pas question pour autant de prendre l'autoroute, trop cher !

-Plus que deux mille quatre cent kilomètres et nous serons en Ukraine me lança Bernard en riant à travers sa vitre ouverte, histoire de m'encourager.


Sans dépasser les  100 Kms heure pour économiser nos deux vieilles gimbardes, nous nous suivions lui et moi, à distance respectable cependant pour ne pas nous rentrer dedans. Il conduisait un break Lada sans âge, moi une Renault 20 depuis longtemps disparue des pages de l'argus  et qui affichait au compteur bloqué il y a bien  des lustres, près de deux cent mille kilomètres...


Nos deux infatiguables véhicules, qui auraient pourtant amplement  mérités une retraite dorée comme perchoir au fond d'un poulailler de campagne, sont chargés comme des mules. A l'intérieur, point de cocottes à plumes, mais plus de deux mille paires de godasses neuves des années soixantes dix.

Quand je dis neuves, ce n'est pas tout à fait le terme exact, disons plûtot qu'elles ne sont jamais sorties de leurs boîtes car elles avaient près de vingt ans.

Bernard avait acheté ce lot de chaussures invendues pour une bouché de pain à un maroquinier qui avait baissé définitivement le rideau de sa boutique. Quelque peu démodées en France, certes, mais parfaitement tendances pour combler de joie les  femmes Ukrainiennes qui commençaient à peine, chute du mur de Berlin oblige, à gouter aux plaisirs du chic Made in France. C'était du moins ce que nous avait affirmé Alexandre, mon nouvel ami Ukrainien.


Au départ ce n'était pas le véritable objectif du voyage, nous allions la-bas car dit-xit encore Alexandre, on pouvait facilement faire de l'argent avec des appareils de bronzage et en ramenant des voitures de France. Achetées ici deux ou trois mille Francs on pouvait espérer les revendre aux ex-soviétiques de 15 à 20 000 Francs . Il n'en fallut pas plus pour nous décider à tailler la route.

C'est que dans l'intervalle les choses sont allées très vite. D'abord il y a eu, à l'image du mur Berlinois, l'effrondrement spectaculaire de l'activité paella. C'était comme si tout d'un coup les gens lassés par notre régime Hibérique, auquel pourtant ils avaient en masse adheré, s'étaient  tous ligués pour  ne plus nous manifester le moindre intêret. En gros, l'embargo culinaire était décrété sur notre menu safrané. Nous n'avions plus la côte et les promesses de lendemain qui chantent furent remisées dans les tiroirs jusqu'aux prochaines échéances.

Qu'ensuite, j'ai envoyé sur les roses, un matin où j'étais mal luné, toute l'équipe du Patriarche. Adieu donc les rêves de richesse que m'avait fait miroiter Angelmayer. Je ne pouvais plus supporter tous les gens qui l''entouraient. Bien plus tard j'appris par la presse que lui même était en cavale en amérique du sud pour fuir les questions génantes que voulait lui poser un juge d'instruction Toulousain. A ce qu'il paraît, il aurait eu des gestes équivoques envers plusieurs de ses très jeunes protégées. Visiblement il était  préssé de prendre le large puisqu'il est parti sans jamais demander à être remboursé du petit million de Francs qu'il m'avait prété.

Qu'enfin, en continuant mes conneries j'ai perdu chevaux, magasins, voitures et le train de vie qui allait avec.

Résultat des courses, me revoilà à 40 ans, ne voulant faire aucune conscession sur ma liberté, à nouveau dans la panade, inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi et plus précisément heureux bénéficiaire du RMI.

Alors que pour beaucoup cette nouvelle descente aux enfers aurait été synonyme de dépression voire de mort sociale, j'avais quand même assez bon moral et j'étais convaincu de m'en sortir.

Cependant, je n'étais pas trés préssé de revenir dans les affaires. Je décidais de  profiter de ces quelques mois de repos forcés pour m'occuper un peu de moi et de mon organisme qui avait largement souffert de mes abus en tous genres. L'aiguille de ma balance était là pour me le rappeler tous les matins. Elle oscillait entre 100 et ...J'entrepris donc de me mettre sérieusement à la marche.

 


Au fur et à mesure que ma graisse fondait à l'entame du bitume ( dix kilos en quelques semaines ) mon moral lui se regonflait. Déjà l'envie de retourner au combat me chatouillait. L'oisiveté commençait à me peser et puis j'en avais marre de tourner en rond...autour de la maison.


C'est l'anniversaire de Jean-Pierre qui m'obligea bien involontairement à déchausser mes Baskets et à ranger ma tenue de Marathonien. Lui aussi fêtait ses quarantes ans et avait choisi de  passer ce cap difficile en compagnie de Sonia, la fille de Marlène, qui avait depuis plusieurs mois quitté son Canadien de mari.

Jean-pierre travaillait dans l'esthétique, il était grossiste en matériel et en produits cosmétiques. Il fournissait la plupart des instituts de beauté Bordelais. Le courant est trés vite passé entre nous le jour où je me suis rendu chez Sonia, sachant qu'il serait présent.Quelques jours auparavant elle m'avait parlé d'un truc dont il lui avait causé qui m'avait quelque peu intrigué, je voulais en vérifier la véracité. 


Comme il vendait du matériel esthétique il était donc bien au courant des normes de sécurité concernant les appareils de bronzage. Et figurez-vous qu'en ce domaine , de nouvelles dispositions sécuritaires venaient justement d'être prises par l'Administration. Tous les appareils UV qui fonctionnaient avec des lampes à hautes fréquences  allaient devoir être retirés du marché et envoyés à la casse pour être remplacé par ceux fonctionnant avec des tubes néons classiques, jugés moins nocifs pour l'épiderme. Cette directive gouvernementale complètement ignorée du grand public fit l'effet d'une bombe dans le Landerneau de l'esthétique. Branle-bas de combat dans les cerveaux apeurés des Esthéticiennes.

- Au secours Jean-Pierre ! Que faut-il faire ?

De toute l' Aquitaine lui parvenaient  des appels de détresse qui  saturaient son répondeur téléphonique.

En fait il n'y avait pas de quoi descendre aux abris, la plupart des solariums étaient conformes avec la nouvelle norme, mais quoi de mieux qu'une petite odeur de  poudre pour faire marcher le commerce ?

Car seuls étaient concernés par cette mesurette les gros appareils qui conbinaient les deux systhèmes. Les fameuses lampes à HP pour la partie visage et les néons traditionnels pour le corps. Il suffisait donc pour contourner le décret, de neutraliser les  lampes qui posaient problème et le tour était joué.

Mais Jean-Pierre s'y entendait à merveille pour dramatiser la situation. A l'écouter il fallait au  plus vite se débarrasser de son vieil UV si l'on ne voulait pas qu'il vous explose à la figure.

C'est comme cela que nous avons, lui et moi, débarassé gratuitement les instituts de ces horribles engins de mort pour les remplacer, moyennant finances, par d'autres flambants neufs et parfaitement innofensifs.

-Quand on peut rendre service !

Qu'allions-nous faire maintenant de ces ogives démilitarisées ? Car bien entendu, il n'était pas question pour nous de les jeter. La France n'est pas le monde et les règles ne sont pas partout les mêmes sur cette planete. C'était le cas notamment des pays de l'Est qui se foutaient pas mal de savoir pourquoi nous, un beau matin, avions  changé les notres. Nos beaux appareils UV devenus personna in grata du jour au lendemain sur le territoire Gaulois iraient donc brunir les peaux blanchatres des habitants des plaines de l'Ukraine. Compte tenu du prix proposé, nous étions sûrs que ces transfuges involontaires seraient chaudement acceuillis.

A cette époque j'avais comme voisin le plus proche: Bernard. Un type qui avait à peu prés mon âge et qui ne manquait pas lui aussi de culot. Dans sa jeunesse il avait comme moi gouté à la froideur du milieu carcéral mais de l'autre coté des barreaux.

Plusieurs fois il s'était trompé de voiture sur les parkings et était reparti au volant de véhicules qui n'étaient pas les siens. Les flics, constatant les fils dénudés et l'absence de clés de contact, n'avaient pas cru à ses explications et l'avaient enfermé à double tours. Depuis il s'était, comme on dit, rangé des voitures et menait sa petite vie tranquille de bon père de famille en revendant plus cher des véhicules achetés aux enchères. Après en avoir ci ou là amélioré à «  sa façon » le standing.

Quand je lui ai parlé d'aller faire un tour de l'autre coté du rideau de fer il n'a pas hésité un seul instant pour m'accompagner. C'est lui qui dégota à la casse voisine les deux carrosses pour le voyage. Mécano de formation, il eut tôt fait de les requinquer pour supporter le périple.

Alexandre, je l'avais connu en allant rendre visite à l'une de mes soeurs dans l'Ariège. Ses parents vivaient plus ou moins bénévolement chez des amis à elle. Bien que retraités dans leur pays, ils touchaient le RMI en France. On avait vite sympathisé. Ingénieur dans l'armement en Ukraine, il avait profité de l'ouverture des frontières pour venir voir à quoi ressemblait l'eldorado à l'ouest. C'était la première fois qu'il foulait la terre promise mais il avait très vite compris que ce n'était pas en s'éreintant toute la journée dans les champs des amis de ma frangine, comme ses vieux,  qu'il pourrait se payer le supperflu de notre société de consommation.

Constatant qu'il n'y avait pas grand chose à faire ici sans un portefeuille bien garni, il suggéra d'aller apporter, à ceux qui manquaient de tout dans son pays, les produits dont nous n'avions plus besoin. Voilà pourquoi ce jour là, Bernard et moi, roulions à petite vitesse, les caisses remplies de groles, vers cette destination inconnue.


La traversée de la france se déroula sans encombre, aucun incident ne vint émailler notre monotone progression. Si ce n'est quelques légères frayeurs en croisant ses messieurs de la police car nos papiers n'étaient pas très en règle. Bénéficiant de cartes grises internationales ( pour des raisons trop longues à détailler ici ) nous n'avions pas le droit, en contre partie, de circuler sur le territoire Français.

Arrivés en Allemagne, les choses se gatèrent. Parvenus à la tombé de la nuit prés d'une grande ville au nom franchement imprononçable, nous avions décidé de gagner le centre  pour chercher un coin sûr, pour reposer nos montures et dormir.

-Vous savez comment cela s'écrit centre ville en allemand?

Nous, nous n'en avions aucune idée. Alors, pour ne pas  se perdre au milieu du flôt des voitures, on avait convenu de rouler très lentement, au risque d'emmerder tout le monde. Puis soudain, alors qu'il était toujours visible dans mon rétroviseur, plus de Bernard. Occupé que j'étais à tenter de décrypter les panneaux de signalisation, je ne l'ai pas vu disparaître.

-Et merde, où est-il passé ce con ?

En plus, impossible de m'arreter. Ca klaxonnait de partout. Avec ma vieille Renault et mes plaques d'immatriculation Françaises, inutile de vous dire que j'en ai pris  pour mon grade.

-Putain de Franssous et j'en passe ( dans la langue de Goethe )

Alors j'ai continué à avancer, espèrant au plus vite trouver un endroit pour stationner ou pour faire demi tour. C'était interminable ce boulevard, à croire qu'ils l'avaient construit exprès pour nous enquiquiner.                                                                                                                                                                                                                       C'est bizarre, mais tous ces Allemands autour de moi, vociférant dans leurs belles voitures ( allemandes ), ça me foutait la frousse. J'avais comme l'impression que c'était encore la guerre.

-Enfin une intersection!

Bien entendu j'étais calé complétement à droite et il fallait que je me rende sur la file de gauche.

-Et ça continue les insultes.

La difficulté était que jusqu'au dernier moment, avant de faire demi-tour, je regardais sans cesse derrière moi si Bernard n'était pas réapparu. D'où ma conduite hésitante et le courroux des autres automobilistes. Mais, imaginez un instant qu 'au moment de repartir dans l'autre sens  je le vois passer à fond la caisse de l'autre coté, essayant de me rattraper.

-On en avait pour la nuit !

Pour finir, mon intuition a été la bonne. Redescendant le boulevard à la vitesse d'un escargot, toujours pour les mêmes raisons,  j'aperçu au loin des lumières oranges qui clignotaient. C'était lui. Juché sur un talus où il avait pu trouver refuge non sans peine, il s'afferait à essayer de redémmarrer sa poubelle roulante qui ne donnait plus aucun signe de vie. Madame Lada n'était manifestement pas très emballée de revoir son pays d'origine.

-Ca commencait bien le voyage!

-Putain c'est la merde, lança t-il en m'apercevant sans se douter que c'était quasiment un miracle que l'on se soit retrouvé.

-Elle ne veut plus repartir.

J'ai oublié de vous préciser qu'à cette époque nous n'avions pas de portables.

Par je ne sais quel miracle, malgré l'obscurité, éclairé par la flamme d'un briquet qui me cramait les doigts, il réussit à trouver la panne. C'était le delco..

Le lendemain, retapés par une bonne nuit de sommeil dans un hotel situé au pied d'une centrale atomique du style de golfech, nous avons entrepris la traversée de l'allemagne.

-C'est pas beau l'Allemagne !

Par contre les autoroutes c'est nickel. Et puis, quelle discipline. Les véhicules lents à la queue leu leu sur la voie de droite et sur celle de gauche les bolides lancés à plus de deux cent à l'heure.

Vers treize heures, nous voilà enfin arrivés prés de la frontière Tchèque. J'avais une faim de loup. Stationné le temps d'une courte pause naturelle du coté allemand, j'aperçu un type en uniforme qui  était en train de tourner autour de ma voiture.

C'était un flic.

-Bon, qu'est-ce qu'il me veut celui-là?

-Fous avez les papiers du véhicule? Me dit-il en plus ou moins Français.

-Voilà. Lui dis-je en lui tendant toute ma paperasse.

Il me fit signe ensuite de soulever la couverture qui dissimulait les chaussures.

- C'est pour l'Ukraine, des chaussures d'occasion. Lui dis-je en souriant pour l'amadouer.

Aprés un interminable regard croisé entre moi, mes papiers et ma cargaison, il me rendit mes documents accompagné d'un dédaigneux ;

-Raoust !

Observant de loin la scène, Bernard, qui avait échappé au contrôle, rappliqua en quatrième vitesse.

-Apparemment tout est en règle. Lui dis-je.

-Ou alors il n'a rien compris. Répondit-il en riant.

-On va manger en face ? Ajoutais-je.

-Traversons plutot la frontière j'ai vu qu'il y avait un resto juste après le poste douanier. En plus ça doit être moins cher en Tchéquie, trancha t-il.

-T'inquiète pas. Dit-il encore, dans cinq minutes on est les pieds sous la table.

Tenaillé par la faim, j'embarquais aussitôt dans ma Renault.

Les douaniers Allemands ne nous prétèrent guèrere attention et c'est sans aucune formalité que nous quittèrent la Deutschland.

Arrivés devant la barrière Tchèque, il n'en fut pas de même. Intrigués par ces deux voitures Françaises chargées jusqu'à la gueule et ce, en pleine pause déjeuner,  les douaniers Tchèques nous invitèrent, un peu trop aimablement à mon goût,  à nous ranger sur le coté.

-Ca ne laissait présager rien de bon !

D'abord ils nous ont demandé de descendre des voitures puis ils nous ont pris tous nos papiers. Puis, dix minutes plus tard, l'un d'eux est revenu pour nous demander combien de chaussures nous transportions. Faut dire que sur le formulaire rempli au douanes Françaises, il était mentionné « un lot de chaussures d'occasion » sans en spécifier le nombre exact.

A suivre...



 

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